Je ne suis pas vraiment calé en musique classique, mais si cette dernière avait évolué à la manière d’un Pokémon, nul doute que son évolution s’appellerait certainement Erased Tapes Records.
Contemporaine, émotionnelle, avant-gardiste, tourbillonnante et mystérieuse, la musique des artistes est reconnaissable entre mille et donne une réelle bouffée d’air pur dans un paysage où la consommation musicale de masse fait parfois perdre le sens premier de la musique.
Créé à Londres en 2007 par un allemand du nom de Robert Raths. Il fut rejoint en 2011 par Sofia Ilyas pour l’assister dans le management des projets du label. Avec un père joueur d’orgue dans les églises, le fondateur du label fut logiquement incité par ses paternels à suivre la voie du patriache et il s’initie au piano. Pas convaincu par cet instrument, il préfère se diriger vers les Beaux-Arts et la peinture en particulier. Armé d’un ghetto blaster, d’une toile et de la peinture, il se tourna ensuite progressivement vers l’architecture avant de lancer Erased Tapes Records.
D’où vient le nom du label ? Raths l’explique joliment dans une interview : « Un jour, étant adolescent, je m’évertuais à jouer un air de guitare électrique dans ma chambre. Après des dizaines de prises, spontanément, subitement, je décida de lâcher l’instrument électrique pour une guitare acoustique avec laquelle j’improvisa le même air. J’avais alors réussi la prise parfaite du premier coup. Le lendemain, accidentellement je pressa le mauvais bouton et effaça l’enregistrement. »
L’idée romantique d’une « Erased Tape » envolée lui est alors restée. CQFD.
Entre musique contemporaine et traditionnelle, le label s’inscrit donc dans une démarche de réinvention perpétuelle. Au-delà de la musique, ce mouvement s’inscrit aussi dans l’aspect visuel de ses sorties. Reconnu pour sa ligne éditoriale marquée et revendiquée mais aussi pour son soin apportée au design et au packaging. Ceux qui ont déjà commandé un disque au label sauront de quoi je parle, pour les autres je vois renvoie vers Google Images. Le disque, sa pochette et son contenu deviennent alors plus qu’un objet pour écouter de la musique. Il se transforme en un véritable artefact que l’on garde précieusement, que l’on touche avec soin, que l’on regarde avec admiration. Son logo, aussi, a fait l’objet de plusieurs retouches d’artistes et designers contemporains comme Gregory Euclide. Erased Tapes Records c’est tout une esthétique hors du temps qui est magnifiée et menée avec brio par Robert Raths et Sophia Ilyas. Voici donc une pincée d’artistes originaires du monde entier, dont l’imagination et la créativité se rejoignent au sein du label Erased Tapes Records.
Rival Consoles
On dit que Rival Consoles a le don d’apporter une âme humaine à ses synthétiseurs. Né à Leicester, basé désormais à Londres, Ryan Lee West de son vrai nom compose une musique électronique voguant entre deep house, ambiant et electronica. En ce sens, on peut comparer son approche de la musique à un Jon Hopkins, Aphex Twin ou à notre Rone national. Ancien étudiant en Music Technology & Innovation, sa musique intelligente et consistante transporte autant qu’elle scotche sur place. Repéré par ses pairs lors du dernier SXSW, il est de ceux « qu’on ne peut ignorer et qu’il est impossible d’oublier » selon Pitchfork. Passé par les dernières Trans Musicales de Rennes, il est fort possible que vous entendiez parler de ce barbu encore un bon moment. Pour illustrer le tout, voici l’extrait éponyme de son album « Howl » sorti chez Erased Tapes le 16 octobre 2015 :
Ólafur Arnalds
Sa musique est froide et intemporelle, son nom résonne comme un personnage mythique et nul doute qu’il le restera dans les années à venir. Islandais originaire de Mosfellsbær près de Reykavik, Ólafur Arnalds a acquis en quelques années une réputation aussi fameuse que Björk ou Sigur Ros dans son pays natal. Multi-instrumentiste et véritable génie de la musique, il sait aussi bien jouer de la batterie dans un groupe de heavy-metal que de la guitare, du banjo ou du piano. Immergé totalement dans son univers mélodique et délicat depuis l’âge de 21 ans, il sort en 2007 chez Erased Tapes son 1er album studio « Eulogy for Evolution » qui est tout simplement une illustration musicale de la vie, de la naissance jusqu’à la mort. Rien que ça. Il enchaînera avec un EP « Variations of Static » encensé par la critique et une tournée récompensée du prix du meilleur live de 2008 par BBC Radio 1 et Gilles Peterson himself. En 2009, il lance un projet nommé « Found Sounds » qui consiste à créer 1 morceau par jour pendant une semaine mis à disposition gratuitement sur le web par l’artiste. On comptabilisera alors plus de 300 000 téléchargements. 10 albums suivront, confirmant track après track le talent de producteur et de compositeur de l’islandais. Un aperçu du talent d’Ólafur Arnalds avec le morceau « So Close » tiré de son dernier album « Broadchurch » qui est la bande originale de la série du même nom :
Nils Frahm
Après Ólafur Arnalds, voici venir une autre éminente figure du label Erased Tapes. Cette fois-ci il vient d’Allemagne et porte le nom de Nils Frahm. Pianiste de formation depuis sa tendre enfance, il étudie et joue de cet instrument sous l’oeil de son professeur Nahum Brodski qui fut l’un des protégés du grand Tchaïkovski. Nils Frahm est aujourd’hui un musicien émérite dont les concerts transportent et transcendent le public partout où il passe. Pour composer, l’allemand a quitté la ville portuaire de Hambourg pour trouver refuge au Durton Studio à Berlin, ville qui sait lui apporter inspiration et sérénité. Entre musique classique, expérimentale et techno feutrée, il se fait d’abord remarqué pour « The Bells« , puis acquiert une véritable notoriété aussi bien auprès du public classique qu’électronique avec la sortie de son album « Felt » en 2011. Nils Frahm collabore aussi régulièrement avec ses collègues du label Erased Tapes. Il a notamment sorti un projet aux côtés de Ólafur Arnalds, Anne Müller ou F.S. Blumm. Je vous conseille d’ailleurs d’aller jeter une oreille sur « Stare » l’opus sorti avec son homologue islandais. Enfin, je vous propose d’écouter un extrait de son dernier album « Solo » :
Kiasmos
Je vous ai parlé précédemment d’Ólafur Arnalds, de son aura et de son talent mélodique indéniable. Aussi, ce dernier s’est lancé en 2009 dans un nouveau projet accompagné de Janus Rasmussen, originaire quant à lui des Îles Féroés. Le premier, comme je vous l’avais présenté, mélange le piano et l’électronique. Le second, vogue dans un univers plus électro-pop, notamment avec son groupe Bloodgroup. Ensemble, ils forment Kiasmos et propose une musique oscillant entre classique, électronique, techno et expérimentale. À la base, Ólafur Arnalds jouait le rôle d’ingénieur-son pour Janus Rasmussen sur ses différents projets. Au fil du temps passé en studio, ils devinrent d’excellents amis et décidèrent de fil en aiguille par lancer leur projet commun. Courtisés par le Sonar, le Primavera, Lovebox en Angleterre, Big Ears Festival dans le Tenessee, la Route du Rock ou encore Dour Festival, le duo voyagent et partagent désormais sa musique aux quatre coins du monde.
À l’heure actuelle, ils comptabilisent 4 EPs, tout aussi magiques les uns que les autres. Petit préférence pour leur EP éponyme sorti en 2014 et dont le morceaux « Looped » en a fait rêver plus d’un :
Douglas Dare
Jeune londonien repéré sur Twitter par Erased Tapes Records en 2013, Douglas Dare sort son 1er EP « Seven Hours » la même année. Étrange, magnifique, brillant, les superlatifs tombent alors très vite pour décrire la musique du jeune Douglas. Très vite, il accompagne Ólafur Arnalds sur ses tournées et se fait ainsi la main avant de rejoindre Nils Frahm sur les scènes du monde entier. Comparé à Portishead, Thom Yorke de Radiohead et à James Blake, Douglas Dare propose une musique crue, sincère et remplie d’émotion. En mai 2014, il collabora avec le percussionniste et producteur Fabin Prynn pour sortir son 1er album de 10 titres « Whelm » dont voici un bel extrait :
Erased Tapes Records fait partie de ces labels ovnis, à l’esthétique précieuse et à l’avant-garde de l’excellence. De la belle musique, sortie tout droit des tripes et de l’esprit des artistes qui la font. Des atmosphères différentes, des inspirations disparates, réunies dans un univers commun. Percer dans le milieu de la musique en proposant un mélange de musique classique et d’électronique, tel est le tour de force que Robert Raths a réussi en 9 ans. Et ce, malgré un roster aux proportions restreintes mais extrêmement pointues et qualitatives. En plus des artistes et duo cités dans ce dossier, j’aurais pu aussi évoquer l’Ukrainien Lubomy Melnyk, le Japonais Masayoshi Fujita ou du Londonien Michael Price. La diversité des influences des artistes présentés a suffit à déterminer mon angle d’attaque. Début 2016, une compilation gratuite du label a vu le jour. Elle est téléchargeable en s’inscrivant sur leur site et en suivant ce lien. En espérant avoir attiser votre curiosité, je vous laisse creuser plus loin :