Tout le monde le connaît, ou le reconnaît. Avec sa barbe fleurie et ses chemises ensoleillées, Atemi ne peut qu’inspirer confiance et bienveillance. Ces mots peuvent résumer à eux seuls les sentiments qui vous habitent une fois le pied posé dans sa boutique de disques ou sur les dancefloors qu’il enflamme. Car c’est bien lors de diverses soirées, en chaloupant et reversant la moitié de mon godet que j’ai tout d’abord appris à connaître cet oiseau de nuit. Loin d’être apprivoisé, il a ce don de surprendre à chaque fois, presque à chaque disque passé. Rencontre avec Atemi, Polo ou Jérôme, on ne sait plus.

 

Si la musique est son arc, il compte plusieurs flèches aiguisées à son carquois. Quand il ne décoche donc pas ses tirs de DJ et de disquaire, il tape dans le mille avec le projet Blackbush Orchestra. Producteur de musique sans frontières et sans étiquette, il sort « Famiglia EP » en 2017 sur Beauty & the Beat Records. Enfin, Atemi oeuvre depuis de nombreuses années au sein du collectif Abstrack avec qui il organise de nombreuses soirées et oeuvre à promouvoir la fête libre. En plus de le retrouver derrière les platines, depuis 2017 on peut désormais le voir postiché derrière le comptoir de son shop Wood Records situé chaussée de la Madeleine.

Ce grand monsieur inaugure le premier épisode de cette série consacrée aux disquaires nantais. Je me suis faufilé chez lui à l’heure de l’apéro pour discuter.

1. L’HUMAIN DERRIÈRE LA BARBE

Soundigger : Depuis le temps qu’on te voit ou te croise aux quatre coins de Nantes, on pourrait croire que tu y es né et y a grandi, alors que pas du tout. Peux-tu nous dire d’où viens-tu et dans quel contexte as-tu grandi ?

Atemi : Je suis né à Roanne, entre Saint-Etienne, Clermont-Ferrand et Lyon. Dans ma prime jeunesse, je me laissais plutôt porter, j’écoutais ce qu’on me proposait, ce que mes potes écoutaient. Je ne me rendais pas encore compte que l’univers musical était si vaste. À vingt piges, au fil de quelques rencontres, je me suis retrouvé avec des gens plus exigeants musicalement. Je me suis vite aperçu que moi aussi je l’étais.

S : Avant que la musique arrive dans ta vie, quelles étaient tes passions ?

A : Les animaux. L’idée n’était pas de bosser avec les animaux, mais je m’y intéressais.

S : Quels sont tes premiers souvenirs liés à la musique ?

Mon père, qui est originaire de Sardaigne, écoutait beaucoup de musique italienne. Il y a une grande communauté sarde à Roanne. La radio locale de l’époque, qui s’appelait Radio Roanne, diffusait tous les samedis matins de la musique italienne. Je me réveillais donc avec de la pop italienne, une musique pas toujours agréable, mais qui a le mérite d’être plutôt joyeuse et de faire chanter mon père en train de cuisiner. Ma mère se laissait également porter musicalement.

S : Tu as un disque, un album ou un titre qui t’a marqué ?

Je peux te citer par exemple Gianna Nanini. Attends j’ai le disque là. Je ne l’écoute pas, mais il est là parce que je suis tombé dessus et que j’étais obligé de l’avoir dans ma collection [Atemi cherche et trouve le disque « I Maschi » de 1987]. C’est de la pop-rock italienne avec grande voix éraillée. C’est ce que mon père écoutait, entre autres.

S : Quelles ont été ensuite les rencontres musicales marquantes pour toi ?

A : Entre 19 et 20 ans, j’ai rencontré une troupe d’amis très investis dans la musique. Ce sont mes amis proches encore actuellement. On s’est ouvert les portes de nouveaux horizons musicaux, ils ont été et sont encore très importants dans ma culture musicale.

S : La musique avec un grand M ou dans des styles particuliers ?

A : Musique avec un grand M. Avec eux j’ai découvert le reggae, autre que Bob Marley. À cette époque-là, un pote très curieux qui s’appelle Memos m’a fait écouter en boucle Burning Spear, The Gladiators, Max Romeo… Il faut savoir que très tôt, je me suis mis à faire des compilations cassettes de musiques que j’aimais bien. De son côté, il faisait des compil’ en leur donnant un nom, en les illustrant, il les gravait sur CD, etc. Memos, il était en Ligue 1 de compilations alors que moi j’étais en Promotion d’Honneur. (rires)

Après j’ai rencontré des mecs qui joue en Ligue des Champions, c’est-à-dire ceux qui en font un métier. Ce genre de rencontre, ça m’a ouvert des portes. Non seulement de la musique, mais aussi du format vinyle.

S : Ces fameux londoniens de Beauty & The Beat ?

A : L’un des fondateurs de Beauty & The Beat oui.

S : Comment définirais-tu ton rapport à la musique ? Passionné ? Amoureux ?

A : Passionné et amoureux c’est sûr. J’en suis un peu addict également ; une sorte de démangeaison cutanée musicale. Quand je découvre un truc qui me retourne, que ce soit un son des années 70, 80 ou autres, je me demande toujours « mais comment se fait-il que je ne l’ai pas découvert avant ? ». Cette sensation m’arrive tellement souvent. La musique est tellement vaste ! DJ Pharoah me disait qu’en soul-funk-boogie, son domaine de prédilection, il lui faudrait plusieurs vies pour découvrir tout ce qui a été produit. Et quand c’est Pharoah qui dit ça, ça en dit long. De mon côté, comme beaucoup d’autres gens, j’ai la chance de savoir apprécier le jazz, le reggae, la musique électronique, le rap, etc. Ça rend le champ des découvertes plus qu’infini !

Soirée "Journey to the Light"

S : Cette démangeaison, c’est dans la découverte musicale uniquement ou dans le partage et la transmission également ?

A : La découverte c’est la plus grosse partie de l’iceberg. Le fait d’avoir envie de partager est arrivé plus tard. C’est arrivé d’un coup, je m’en rappelle très bien. C’était à Londres avec mon pote Belle Bête de Beauty & The Beat. C’était un voyage qu’on faisait quatre fois par an, à chaque saison. À l’époque, le collectif Lucky Cloud Soundsystem invitait David Mancuso à chaque ouverture de saison. Ceux qui ne le connaissent pas, je vous invite à aller vous renseigner sur ce bonhomme. On allait donc religieusement le voir jouer de 17h à minuit et on dansait. Quand je dis qu’on dansait, c’est qu’on dansait vraiment. On avait du mal à aller s’en coller un dehors tellement on ne voulait pas lâcher le dancefloor. On y allait que pour ça ! A proprement dit, avec les paroles, l’ambiance et les styles musicaux, il y avait un message, une histoire qui était racontée par la musique jouée par Mancuso. Socialement, humainement, politiquement, il se passait quelque chose. Ça se passait dans un bar qui s’appelait The Light, à l’étage, sur un parquet magnifique. J’étais là, une fenêtre à ma droite, face à une enceinte, un gros stack comme celui que tu vois là [il montre le stack d’enceintes Klipschorn couplé de JBL] et je me disais « putain c’est tellement incroyable et universel de pouvoir partager un message avec de la musique. C’est tellement incroyable que j’ai envie de le faire. » Et c’est parti comme ça.

S : La musique sauvera le monde ?

A : J’ai envie de dire oui. Elle permet l’éveil. Elle permet la transmission de messages. Il y a autant de messages dans la musique qu’il y a de styles musicaux. Dans la musique que j’écoute, ceux qui me reviennent le plus sont « solidarité » et « amour ». Et c’est bien de ça dont aurait besoin l’humanité pour se sauver du guêpier dans lequel elle s’est foutue.

S : Tu es à Nantes depuis 2008. Quelle image avais-tu de la ville en arrivant ?

A : Quand je suis arrivé à Nantes on m’a dit que c’était une ville rock. Je n’ai pas pu le démentir d’ailleurs…

S : L’expo Rock! au Château des Ducs de Bretagne de 2019 l’a d’ailleurs bien démontré.

A : La scène rock est ancrée depuis longtemps oui. Mais quand je suis arrivé, l’un des premiers personnages que j’ai rencontré c’est Pharoah. En allant à ses soirées je me suis aussi dit « ah tiens, c’est sacrément funky comme ville ! ». Get Up également organisait déjà des événements reggae. « Tiens, c’est sacrément reggae aussi Nantes ! ». C’est sacrément plein de choses en fait. Nantes, c’est l’une des villes avec la meilleure bande-son de France. Son ouverture d’esprit, ce petit plus de bienveillance, son côté cosmopolite du point de vue culturel et social, c’est ce qui m’a fait resté à Nantes. Il y a douze ans, je pensais rester deux ou trois ans pas plus, comme j’avais fais dans toutes les villes où j’ai vécu. Finalement, je ne suis jamais parti.

S : Pharoah, Get Up… Il y a beaucoup d’activistes à Nantes. Qui plus est, il y a une certaine cohésion entre tout le monde.

A : C’est ça ! Je peux pas dénigrer les autres villes, mais à Nantes plus qu’ailleurs, il y a une sorte de bienveillance et de cohésion entre chaque scène et à l’intérieur de chaque scène. Quand je travaillais en tant que programmateur à l’Altercafé, les programmations se faisaient en bonne entente avec les autres structures. On faisait en sorte de ne pas organiser une teuf qui ressemble à une autre le même soir. Ces dernières années ça a un peu changé. Non pas que la bienveillance a disparu, mais parce que la scène électronique s’est démultipliée. Aujourd’hui, on peut avoir (hors période de crise sanitaire) trois événements techno, deux teufs house et la Funky Saturday le même soir. Tu peux te régaler, danser pendant douze heures et recommencer le lendemain.

S : Tu évoquais l’Altercafé. Quels souvenirs gardes-tu de ton expérience de programmateur de ce lieu ?

A : De très bons souvenirs ! En plus d’être programmateur, je me suis occupé de l’agencement du lieu et de l’installation d’un nouveau soundsystem. Inspiré de la club culture des années 80, on voulait en faire un lieu où on vient vraiment pour danser. C’est à dire aller en club le samedi soir pour lâcher la pression sociale et professionnelle de toute ta semaine. C’est ce qu’on a essayé de créer à l’Altercafé. À l’époque, c’est moi qui suis allé vers Didier, le patron de l’Altercafé pour lui proposer de créer le poste de programmateur. Il a accepté et pendant trois ans j’ai bossé là-bas avec les mains assez libres pour faire de la programmation. Au départ, je voulais que se soit un lieu cosmopolite. Je me suis vite aperçu que l’Alter’ rassemblait un public venant chercher de la musique électronique. Ça aurait été idiot d’aller à contresens. On s’est alors ancré à proposer des événements électroniques chaque soir, du mercredi au dimanche matin. Et ça a marché, les gens avaient besoin de ça.

S : C’est ce poste à l’Altercafé qui t’a amené à Nantes ?

A : Non, j’habitais à Nantes depuis trois ans déjà. Après être passé à Paris, puis dans la campagne de Clermont-Ferrand, j’avais besoin d’autre chose. Un de mes potes, l’incroyable Lolo the Dancer, habitait déjà ici et me disait que « Nantes, c’est quand même bien cool ! ». Je suis donc venu la fleur au fusil pour y passer quelques jours et voir ce qu’il s’y se passait.

S : Tu avais déjà des projets en arrivant ?

A : Avec Lolo the Dancer on avait un projet en tête qui s’appelait « Danceflore Project ». Ça se voulait être un lieu de rencontres avec au centre un dancefloor et le meilleur soundsystem possible. Tout autour de multiples pétales rassembleraient une librairie, un réparateur de vélo, des jus de fruits frais locaux, etc… Le tout en étant autonome en énergie. J’avais proposé ce projet à la mairie de Clermont-Ferrand, sans succès. On m’avait conseillé de proposer l’idée dans une région où la culture tient une place importante. Mon pote Lolo the Dancer étant sur place, on s’est dit qu’on allait tenter le coup à Nantes. Je suis donc venu et on a commencé à monter le projet au cours de l’année 2009. Bon, au final de mon côté j’ai trouvé le poste de programmateur à l’Altercafé qui me prenait beaucoup de temps, Lolo a également un taf très prenant. On a toujours ce projet en tête, mais il n’est pas d’actualité. Même s’il correspondrait pas mal au mouv’ qu’il faudrait qu’on fasse. C’est à dire se solidariser et user des forces locales pour créer une nouvelle ambiance. Si la musique peut sauver le monde. L’humain par ce genre d’action peut sauver le monde aussi. Mais il y a du boulot…

« Nantes, c’est l’une des villes avec la meilleure bande-son de France. »

2. LE DISQUAIRE DERRIÈRE LE COMPTOIR

S : Comment est né Wood Records dans ton esprit ?

A : Avant d’ouvrir ma boutique, je vendais des disques en itinérant lors d’événements. Puis, j’ai commencé à réfléchir à Wood Records. Mon pote Môme, ex-programmateur du Nid, m’a fait rencontrer JC de la boutique Mélomane qui pouvait potentiellement être intéressé pour s’associer avec moi. C’est ce qu’on a fini par faire.

S : Pour ceux et celles qui n’y ont jamais mis les pieds, quelle ambiance souhaites-tu proposer à Wood Records ?

A : L’idée c’était de proposer du matériel pour DJ : de la house, de la techno, du disco, beaucoup de maxis. C’était aussi de proposer un lieu de rencontres et de convivialité. Je voulais qu’il y ait un petit coin vestiaire pour poser tes affaires, des points d’écoute confortables, un petit coin canapé pour faire une pause dans ta recherche, pour faire le point sur ce que t’as écouté. Au niveau des bacs, j’essaie de détailler les styles musicaux, mais sans détailler tous les labels ou les artistes. Je fais cela pour ne pas saper le boulot de découverte qu’il y a à faire pour ceux et celles qui grattent de la musique. Je propose des petits prix en dessous, mais aussi des pièces de collection, etc. J’essaie de faire en sorte que celui ou celle qui entre pour acheter des disques trouve son bonheur.

Dans mon expérience, à chaque fois que je passais du temps chez un disquaire, j’y restais très longtemps et j’aimais bien discuter avec les gens qui étaient là. Dans ces moments de partage d’informations, tu fais des pas de géant. C’est un lieu où il important de passer du temps. Le plus possible, je propose à tous les clients mes modestes conseils sur ce qu’il faut faire de cet outil qu’est la boutique Wood Records.

S : Quels sont les atouts d’un bon disquaire ?

A : Partage, échange, conseils. L’échange surtout. En réalité, moi aussi j’apprends des trucs tous les jours grâce aux références des client·es. J’ai la chance d’être à la bonne place parce qu’il y a beaucoup de gens qui passent à la boutique donc j’en apprends beaucoup tous les jours.

Mon taf c’est de découvrir de la musique pour la faire découvrir aux gens. Je suis en digging permanent, pour être au fait des nouveautés. Dans ma routine, il y a le rituel du dimanche matin d’aller dans les vide-greniers pour choper du disque d’occasion. Depuis que j’ai ouvert la boutique, j’ai la chance que beaucoup de personnes viennent me voir avec des disques à vendre. Les deux bacs que tu vois là par exemple, c’est des disques qu’on m’a apporté dont les gens veulent se séparer. De mon côté, je les nettoie, j’essaie de les faire vivre, si c’est vendable, je les vends, sinon on en fait des dessous de plats. (rires)

S : Comment sélectionnes-tu les disques qui vont atterrir dans tes bacs ?

A : On ne peut pas tout faire dans la boutique, il y a une direction artistique à respecter. Mélomane fait beaucoup de rock, donc j’en fais pas trop. Oneness Records est calé en reggae, donc je ne fais pas trop de reggae. Comme à la Radio a beaucoup de beaux disques, de librairie, de la belle occasion, moi je me concentre sur le matériel pour DJ et les racines de ces sons-là. Pour résumer, si tu chopes un disque house dans mes bacs, tu pourras forcément remonter la chaîne musicale jusqu’à la disco, funk ou jazz. Musicalement, je ne me refuse rien, mais je fais en sorte que le·a digger nantais·e allant de disquaire en disquaire puisse satisfaire sa soif de musique en piochant chez les différentes boutiques de la ville. Chaque boutique de disques a sa personnalité. On fait en sorte de ne pas se monter les uns sur les autres en créant du lien entre nous. Clément de Comme à la Radio était mon colocataire pendant un moment. J’ai bossé quelques temps chez Aboubakar de Oneness. JC de Mélomane est mon partenaire dans le projet Wood Records…

S : Pour les personnes novices dans le digging, quelles sont les sources que tu pourrais conseiller ?

A : La meilleure source pour les disques d’occasion : les vide-greniers et brocantes. Après, il faut en discuter autour de soi. Généralement quand t’es passionné de musique, t’aimes bien en parler. Au fur et à mesure, quand tu commences à te créer une identité musicale, tu t’intéresses aux labels, aux musiciens, aux styles musicaux. Ne surtout pas hésiter à demander conseil au patron du magasin de disques.

Ce que je conseillerais à quelqu’un qui veux commencer une collection de disque, c’est d’aller chez le disquaire, poser sa veste, se remonter les manches, mettre les mains dans les bacs et sortir des disques pour les écouter. Ceux que tu gardes, tu me les montres et je te trouverai des musiques qui sont dans la veine de ce que tu viens de trouver.

S : Et toi, c’est quoi ta veine ?

A : J’ai la chance de pouvoir fermer les yeux en écoutant un disque de jazz, de house. Je peux couler une petite larme en écoutant un Coltrane, un Larry Heard ou un Thomas Mapfumo. C’est une chance inouïe d’avoir des musiques aussi différentes qui te procurent des émotions aussi fortes.

S : Quelques labels ou sorties récentes à conseiller et retrouver dans tes bacs ?

A : Le « Time Capsule » de Kay Suzuki. Ce mec c’est un ovni. C’est un producteur incroyable, un mec qui sait faire la fête, qui danse. Et être un danseur, c’est plus qu’un atout pour un DJ pour comprendre ce qui se passe sur un dancefloor. Lui il sait faire ça. Il y a quelques années il a lancé un label, Time Capsule, qui fait de la réédition d’albums plutôt obscurs ou qui ne sont même pas sortis en vinyle. Je pense notamment à un projet de Bill Laswell qui s’appelait « Gigi » et qui n’était sorti qu’en CD. Kay Suzuki a donc fait tout le travail pour le sortir en vinyle et c’est un objet incroyable. Il a sorti aussi une compilation qui s’appelle Island Sounds of Japan avec du jazz, disco, boogie, proto-house de producteurs japonais. Time Capsule compte sept ou huit sorties, sept ou huit beautés dans des styles différents.
Je peux aussi citer Mushroom Hour, label sud-africain. C’est entre ambiant, musiques traditionnelles locales et spiritual jazz. Super label dans son style. En terme de label électronique, je vais te citer un label canadien, Multi Culti. Production mid-downtempo avec beaucoup d’instruments africains, latins ou utilisation de samples. Superbe label.

« Les atouts d’un bon disquaire ? Partage, échange, conseils.
L’échange surtout. »

3. L’ACTIVISTE DERRIÈRE LES IDÉES

S : On va maintenant parler d’Abstrack, collectif que tu as rencontré lorsque tu officiais à l’Altercafé. Qu’est-ce qui t’a poussé à garder contact et même prolonger le lien avec eux au point d’intégrer leur collectif ?

A : Les personnes fondatrices d’Abstrack font partie des éléments qui m’ont fait aimé Nantes. Vidock, Akou Bayo et Kermit devaient avoir dix-huit piges quand je les ai rencontré. Ils sont passionnés et déterminés à proposer des teufs de qualité depuis toujours. À l’époque, ils étaient venus me voir pour organiser une soirée techno à l’Altercafé. Je leur ai alors filé une date horrible, un jeudi 30 décembre. Normalement, si tu fais la bêtise de sortir à cette date-là, tu peux être sûr que tu vas louper ton nouvel an. C’était donc une date bien casse-gueule, mais ils ont quand même réussi à faire venir 300 personnes ce soir-là. C’était le feu. Ils ont ainsi obtenu leur ticket pour une résidence mensuelle à l’Altercafé. En plus de la musique, ils proposaient une vibe visuelle avec de la vidéo, de la scénographie. J’étais admiratif. A vingt ans, j’aurais jamais eu idée de faire la moitié de ce qu’ils faisaient. Ce qui nous a lié, ça va au-delà de l’admiration que j’ai pour ce qu’ils font. C’est parce que ce sont des personnes adorables, avec une relation à l’humain qui ressemble à la mienne. On échange beaucoup. Ils m’apportent plein de choses, j’essaie de leur rendre aussi beaucoup, comme dans une famille.

S : Vous partagez pas mal de valeurs et d’utopies, dont celle de la fête libre. Comment définirais-tu cette idée ?

A : J’ai découvert ce terme « fête libre » avec eux. La fête c’est un moment d’exception. Tout le monde ne peut pas se permettre de faire la fête. Du coup, si on fait la fête, autant proposer quelque chose de complet. La qualité du son, la programmation (musicale ou visuelle), le confort ont toujours été des axes réflexions. On a toujours voulu faire en sorte que les danseurs et les amis qui viennent à nos soirées se sentent bien. Ce qui est insupportable c’est d’avoir une soirée gâchée par un truc que tu ne maîtrise pas, avec un videur violent par exemple. L’idée dans l’organisation de soirées pour nous c’est un moment de liberté, une capsule de relâchement où tu viens relâcher la pression de ta semaine de travail.

S : Y a-t-il des limites à la fête libre ?

A : Ce qui est admirable avec cette famille Abstrack, c’est qu’il n’y a pas de limites. Il y a toujours moyen d’améliorer les soirées et les moments passés sur un dancefloor autour de la musique. Il n’y aucune personne qui ne peut se sentir mal à l’aise sur un dancefloor. C’est un lieu d’universalité où tu te sens accueilli, tu te sens bien. Il n’y a pas de frontières sur un dancefloor.

S : Abstrack a le nez fin quand il s’agit de trouver des spots de teufs en ville et en dehors. 

A : Si on pouvait en faire en ville plus régulièrement, on le ferait. Là où la famille Abstrack m’a toujours épaté, c’est dans cette abnégation qu’ils ont à trouver des lieux de fête. À Nantes, comme pas mal d’endroits dans le monde, les gens exigent une tranquillité un peu malsaine qui veut qu’à partir d’une certaine heure, tu ne peux plus faire de bruit. La musique dérange, alors qu’à la base, pour moi, la musique c’est un médicament. Pour Fela Kuti c’est une arme : « Music is a weapon« . Du coup, Abstrack organise ses teufs en extérieur dans un souci de confort pour ceux qui participent et ceux qui ne participent pas. Preuve en est avec les spots dégotés pour les dernières Fréquence Infinie. Et quand t’arrives à avoir ce genre de lieu incroyable, un sound-system de grande qualité, des danseurs qui ont la dalle et qui peuvent dormir sur place en sécurité, on se rapproche pas mal du confort ultime.

S : Y a-t-il des messages que tu souhaites passer quand tu joues un set lors de tes DJ sets ?

A : Il y a forcément un message à passer. Je ne me vois pas préparer mon bac sans avoir en tête ce qui nous saute à la gueule. Par exemple, la semaine suivant la mort de Steve on organisait une Fréquence Infinie. En préparant mes disques j’étais dans la partie hip hop de ma collection pour sortir des disques à messages comme Assassin – « État Policier » avec le gimmick « crimes policiers, bavures policières, il faut que ça cesse, il faut que ça cesse ». Un morceau qui date de vingt ans et qui ne pouvait malheureusement pas résonner si fort qu’à ce moment-là. On pensait alors très fort à ce gars qui est décédé en faisant la teuf. C’est impossible à dire comme phrase… Tant qu’il y aura ce genre de situation, la musique doit être porteuse, au moins du message, si ce n’est de la solution.

S : Est-ce que la solution ça ne serait pas Atemi président ?

A : Je ne crois pas qu’une personne qui décide pour toute une population soit une bonne idée. Donc Atemi il va rester disquaire. (rires)

S : Pour conclure sur cette partie, peux-tu nous dire s’il y a des nouveaux projets en cours chez Abstrack ?

A : Oui, il y a des projets en cours, mais je ne peux pas en parler (rires). Ça va être beau, bon, doux, avec du sens et la grosse envie de faire la grosse teuf.

Interlude :

Vidock, co-fondateur d’Abstrack

Soundigger : C’est qui Atemi pour toi ?

Vidock : Atemi c’est le mec qui nous a tout simplement permis de faire notre première soirée quand il était directeur artistique de l’Altercafé. On ne s’appelait même pas Abstrack à l’époque. Il nous a confié un 30 décembre… Pas facile, mais pourtant on a blindé la teuf et pu jouer un de nos premiers lives à l’époque avec mon acolyte Kermit sous l’alias Analogik Resistant. À l’issue de cette soirée, il nous a proposé une résidence qu’on a assuré pendant deux ans à l’Alter’. Abstrack était née, les Faktice aussi.

Au-delà de tout ça, Atemi c’est aussi un grand frère musical, qui a été et reste une source d’inspiration. Je dois dire aussi que c’est mon DJ préféré (rires). Il m’a ouvert à tout un pan de la culture club, DJ et à beaucoup de musiques qui m’influencent énormément aujourd’hui. Nos visions de la fête ont résonné et se sont enrichies l’une de l’autre, je pense qu’humainement aussi d’ailleurs. Depuis dix ans maintenant il est devenu un ami très proche, la famille quoi.

S : Comment définirais-tu sa vision de la musique ?

V : Vaste sujet, au moins aussi vaste que sa collection. Je dirais que sa vision de la musique est instinctive. Ce qui en fait un excellent DJ c’est sa capacité à se projeter en écoutant un disque. Il sent la place que celui-ci pourrait tenir dans un set et l’émotion qu’il pourrait dégager sur un dancefloor. Pour autant, je ne crois pas qu’il calcule beaucoup ses DJ set. Je dirais qu’il a une sensibilité accrue à l’écoute d’un disque lui permettant de le dropper au bon moment, dans les bonnes situations. C’est quelque chose que j’ai appris à ses côtés en tout cas.
Et puis ce qui fait sa richesse c’est aussi son éclectisme, au sens où toutes les musiques l’intéressent. Il m’a aussi appris que, selon les situations, on pouvait danser sur tous les styles de musique, qu’ils soient organiques ou électroniques. Aujourd’hui, c’est précisément ce mélange qui me passionne.

S : Allez, balance-nous son petit défaut caché.

V : Je dirais que sont plus gros défaut c’est l’étrange attraction qu’on a tous les deux à devenir bien débiles quand on est ensemble. Autant te dire qu’on a couché un sacré paquet de soirées et que je lui dois quelques bons maux de crâne. Bref, il est fort pour t’enliser dans une soirée qui n’était pas prévue ! MOUGNEUUUUUUUUH !

5. LE DJ DERRIÈRE LES PLATINES

S : Comment expliques-tu ta passion pour le format vinyle ? 

A : Aucune explication plausible. C’est un truc d’addiction je pense. Il y a peut-être un truc de noblesse de l’objet avec toutes les informations, les illustrations qu’il renferme. C’est aussi l’objet à convoiter, rechercher et trouver. L’objet et les gestes qui l’engendre. La sensation quand tu le trouves ou quand tu découvres un disque au hasard. J’ai déjà essayé de jouer avec des CDJ, mais je ne crois pas que se soit adapté à mes gros doigts. Je n’ai vraiment rien contre, mais je suis personnellement attaché au disque.

S : Il y a aussi des DJ’s qui jouent sur cassette. On a d’ailleurs un bon représentant à Nantes : Balafon.

A : Il a aussi beaucoup de vinyles. Oui, on a de la chance d’avoir un mec comme Vivien à Nantes. Un mec passionné, spécialisé en musiques d’Afrique de l’Ouest. Il a vraiment une approche de DJ, c’est à dire qu’il maîtrise son dancefloor, il joue des trucs inconnus et des futurs classiques. D’ailleurs, c’est le premier que j’ai entendu jouer « Hafi Deo » de Tabu Ley Rochereau.

S : C’est quoi un bon DJ pour toi ? Un sélector, un ambianceur, un technicien ?

A : Il y a des DJ’s pour plein de situations. Tu peux être un très bon DJ de mariage, d’after, etc. De mon modeste point de vue, un DJ ça doit être attentif aux danseur·euses et être original. Ce n’est pas seulement quelqu’un qui a de bons goûts musicaux. Il ou elle doit pouvoir proposer quelque chose de maîtrisé et de flamboyant. S’il•elle est très bon•ne techniquement c’est un plus. Mais quand tu t’efforces de jouer au tempo tu peux être perverti par ça. Tu vas peut-être favoriser un disque qui est au même tempo que le précédent, alors que d’un point de vue du dancefloor, tu aurais pu en choisir un autre qui est plus dans la vibe. Il faut garder en tête que le plus important c’est la vibe.

S : C’est quoi la vibe ?

A : La vibe c’est le plus grand nombre de sourires sur le dancefloor, par exemple. C’est aussi lié à plein de choses. Au lieu, à l’atmosphère du lieu, comment tu as été accueilli, comment tu es servi au bar. Si tout cela est réuni, tu passes une nuit magique, dixit Catherine Lara.

S : C’était quoi la vibe des soirées « Journey to the Light » de David Mancuso ?

A : Lors des soirées de David Mancuso, le danseur était au centre de son attention. Je te fais le topo. T’arrivais avec ton ticket doré, sur de grandes tables étaient disposés des plats de bouffe. De la bouffe énergétique, parce qu’après tu vas danser pendant sept heures. Il est 17h, tu montes les escaliers et tu tombes sur David Mancuso, déjà là aux platines. À chacune des soirées, je me dépêchais de manger pour être là du premier au dernier morceau, je voulais suivre toute l’histoire qu’il allait nous raconter.
On parlait de technique tout à l’heure, ici il n’y a pas de technique, il n’y a pas de mix. Le disque finit et on passe à l’autre. La transition se fait sur deux, trois, quatre morceaux ou plus parfois. Pour donner un exemple, au début de soirée il peut t’accueillir avec des morceaux aux paroles te souhaitant la bienvenue, puis enchainer avec des titres disant « ça y est on est tous là, tout le monde danse », comme il y en a un paquet dans le disco. Puis, s’il veut changer de registre il peut par exemple jouer le morceau « Get Ready for the Future » de The Winners et ainsi de suite. David Mancuso il te parlait avec ses morceaux, c’était tout ce que j’aime dans le DJing. La vibe avant tout et les bons morceaux joués aux bons moments.

S : Tu as d’autres artistes ou soirées qui t’ont aussi marquées ?

A : Il y en a un paquet ! Les soirées Beauty & The Beat par exemple. Et je dis pas ça parce que ce sont mes potes, mais en terme d’installation de soundsystem de qualité, la sélection, la vibe et le partage sans concession, ils sont forts. J’ai eu la chance de voir Daniele Baldelli, celui qu’on pourrait appeler le pape du cosmic-disco. C’était incroyable ! Les organisateurs étaient habillés en égyptien avec des pagnes, il y avait des danseurs nus et il y avait Daniele Baldelli qui lui, pour le coup, était techniquement très fort. Tellement fort que t’as l’impression que d’écouter un seul morceau pendant toute la soirée.

S : Qu’est-ce que tu aimes dans ce genre de DJ sets ?

A : J’aime bien l’audace. L’audace c’est savoir changer de tempo au moment du peak time ; pour repartir de plus belle sur un morceau downtempo avec une belle énergie.

S : Un peu comme la construction d’un morceau avec l’intro, la montée, le peak time, le pont, le thème, l’outro, etc ?

A : Exactement. Même s’il y a différentes façons de faire un morceau. Dans le jazz par exemple, mathématiquement tu lances le thème et chaque musicien balance son solo. Il y a autant de variétés de mixes que de variété de morceaux.

S : De ton côté, comment te places-tu ? Plutôt selector ou DJ technicien ?

A : Je fais de mon mieux. Que se soit dans un bar, dans un club, pendant un after, j’essaie de faire de mon mieux, tu peux écrire ça en gras.

S : Tu te souviens de ton premier DJ set ?

A : C’était sûrement une soirée où j’avais amené des disques chez des potes (rires). Pour l’anecdote, quand j’étais gamin, lors des teufs j’étais le mec chelou qui traînait près de la chaîne hi-fi pour passer sa musique. Par forcément de bon aloi parce que j’écoutais du punk, du rock-fusion… J’étais en kiff sur les sons que j’allais enchaîner, genre rage Against The Machine, mais ce n’était pas forcément adapté aux personnes qui étaient en train d’essayer d’emballer leur mec ou meuf. (rires)

S : Gardes-tu en mémoire d’autres DJ set flamboyant que tu as joué ?

A : Il y a quelques années, on organisait des afters le samedi matin à l’Altercafé, les Bendato. Lors de ces événements, les gens arrivaient déjà bien chaud avec l’envie de finir la nuit et d’en découdre sur le dancefloor. Je me souviens donc d’un de ces afters, après une soirée où Andrew Weatherall jouait au Macadam. De 7h à 9h j’avais commencé l’after en mode downtempo, bien mental, bien lourd avant d’ouvrir sur des morceaux plus joyeux. À la fin il y avait une sorte de communion entre les danseurs, l’équipe du bar, tout le monde. J’étais face à ça, c’était magique. On avait fini par rajouter sept heures de plus à cette soirée-là.

S : Parlons du public. À Nantes, il y a le Warehouse qui draine un public à la recherche de têtes d’affiches, le Floride qui rameute des énervé·es, le Macadam attire les adeptes de programmation plus pointues… Pour toi, quels lieux ou événements sont à même de réunir tout ce beau monde ?

A : Paco Tyson par exemple. Dans leur public, il y a des gens qui connaissent le line-up, qui se déplacent pour ça. Il y en a qui viennent pour nom « Paco Tyson », une garantie de belle teuf. Il y en a d’autres qui sont curieux de découvrir cet univers, ou d’autres encore qui suivent leurs potes…

S : Tu avais organisé à Trempolino la soirée Beija Flor Hi-Fi pour « audiophiles » ? Que ce cache-t-il derrière ce terme ?

A : Ce terme est un peu galvaudé. On fait en sorte de ne pas trop l’utiliser. Sinon, on appelle « audiophile » la geekerie de matériel de sonorisation. À la maison, j’ai un mixeur modifié unique, des Klipschorns customisées appartenant à Silvio « Apu » avec qui j’organise ces soirées… On essaie de bricoler un soundsystem qui non seulement retranscrit la musique le plus fidèlement possible, mais aussi avec du volume, un son le plus clair et le plus pur possible. Ça peut vraiment donner une expérience unique. Ça peut complètement changer la façon dont tu entends un morceau. Écoute un Roy Ayers ou un Donny Hathaway sur ce genre de soundsystem, tu vas avoir la mâchoire qui tombe par terre.

S : Parlons du Sheraf Soundsystem, ton collectif, qu’on voit un peu moins dernièrement. Sheraf existe toujours ?

A :  Le projet est né il y a 15 ans. C’est un collectif d’amis, collectionneurs et DJ’s pour organiser des soirées. Il découle de mes potes fondateurs de Beauty & The Beat, dont l’essence découle également des soirées « Journey to the Light » de David Mancuso. Cedric Woo, Belle Bête et leur pote londonien Jérémy ont commencé à organiser leurs teufs à Londres, puis on a enchaîné avec le Sheraf dans notre coin. Sheraf est immortel. On organise moins de teuf sous ce nom, mais tant qu’on sera là, le Sheraf existera.

« C’est tout ce que j’aime dans le DJing : la vibe avant tout et les bons morceaux joués aux bons moments. »

6. LES PRODUCTEURS DERRIÈRE LES MORCEAUX

S : En parlant de Beauty & The Beat, c’est aussi un label sur lequel tu as sorti l’EP « Famiglia » de Blackbush Orchestra en 2017. Comment est né ce projet ?

A : L’idée de cet EP me trottait en tête depuis 2016. Depuis que j’ai mon studio installé dans le salon j’invite des musicien·nes avec qui j’ai pu passer des après-midis entières à jammer. D’un côté je proposais des beats composés sur mes machines, puis on a commencé à enregistrer quelques pistes. Avec mon pote Massamba qui est percussioniste, chanteur et bourré de talent. Avec Olivier Corre du label K-Bress qui est passé par ici pour jouer du clavier. Ivan Cortez qui est bassiste-guitariste est passé là. Le flutiste-bassiste Pat Munatak et le percussioniste martiniquais Wako également. Mon pote Maxime Beldent a fait le visuel. François Bibard s’est occupé du mixage avec moi, Sophie Girard a joué du clavier, Silvio Yana et Cassy Colt au chant… Blackbush Orchestra c’est vraiment un projet collectif. Comme on disait tout à l’heure, ce qui sauvera le monde c’est la solidarité, le partage et l’échange.

S : Le projet s’est construit au fil de ses jams sessions et rencontres en fait ?

A : J’avais quelques morceaux que j’avais fais écouter à mon pote Belle Bête de Beauty & The Beat. On s’est chauffé pour les sortir en vinyle. Je voulais qu’il y ait le nom de tous les musiciens et une explication sur chaque morceau puisque les morceaux ont une histoire… Il y a d’ailleurs un titre qui parle des relations humaines entre amis qui a été chanté par le MC togolais Ametek de Kemet. Le morceau « Bamba Ditounalene » est inspiré d’une transe traditionnelle d’Afrique de l’Ouest qui invoque Mami Wata la déesse de l’eau. « Sortez les filles » qui est invité à la teuf a été remixé par Kay Suzuki, le patron du label Time Capsule.

S : Quelles connexions !

A : De très belles connexions.

S : Tout est organique dans ce projet ?

A : Il n’y a aucune limite. Il y a des samples, il y a des parties enregistrées. Il y a des voix prises au micro et retravaillées… Tout est clean.

S : Je demande car on sait que parfois, certains artistes ou labels ressortent de vieux morceaux ou samples d’Afrique de l’Ouest, sans forcément payer les droits d’auteur à leur juste prix…

A : Ces gens-là ne font pas les choses correctement. Julien Lebrun du label Hot Casa Records par exemple fait un boulot remarquable. Il fait découvrir de la musique en Europe qui, sans lui, serait encore inconnue. Il va chercher la musique, les ayants-droits, il clear tout ça…

S : Là on a un exemple de quelqu’un qui fait les choses du mieux possible. Il y en a d’autres qui le font avec moins d’éthique…

A : Un mec qui va ressortir un album sans faire la démarche d’aller chercher les ayants-droits, c’est du vol.

S : Il y a un certain besoin d’éducation du public et des artistes au sujet de ces questions.

A : On en manque cruellement. Il y a un manque d’éducation et de respect d’autrui dans chaque domaine du monde entier. On en revient au vinyle, l’objet sur lequel tu peux avoir toutes les informations liées aux morceaux en question. La personne ayant composé le morceau, celle qui l’a mixé, enregistré… Toutes les informations que tu ne retrouves pas forcément sur les fichiers numériques.

S :  C’est aussi le rôle d’un disquaire, d’une radio, d’un média, d’un DJ de transmettre ces informations, cette éducation… En toute modestie, tu peux te targuer, avec tes multiples casquettes, de faire partie des personnes contribuer à faire perdurer et transmettre cette connaissance.

A : Je fais de mon mieux. Au même titre qu’Aboubakar de Oneness Records, Clément de Comme à la Radio, Sam a.k.a DJ Opso, Tom Select, Abstrack, etc…

S : Merci pour tout Atemi, j’ai de quoi entamer une autobiographie. Tu as champ libre pour conclure cette interview fleuve.

A : Merci à toi d’être venu, maintenant on va aller se régaler d’une bonne carbonara.

 

Si vous lisez ces lignes, c’est que vous avez lu l’équivalent d’une heure et quarante-cinq minutes d’échanges avec Atemi. Bravo et merci à vous. Merci à Atemi, Sophie, Matilin pour l’accueil et les pâtes carbonora ❤️

 

Photos : FTNE / Damien Gauthier / Atemi / Abstrack / Beauty & The Beat / Journey to the Light