Tommy Boy est considéré comme le label ayant réussi à faire passer le hip hop d’une culture underground à un marché rentable et florissant. Il est aussi l’un des premiers à avoir créé des ponts entre le hip hop et la musique électronique.

Figure de proue majeure de cette culture originaire du Bronx, durant les années 80 et 90, Tommy Boy sera véritablement un incontournable du paysage musical global.
Nous sommes en 1978 et un certain Tom Silverman vient de recevoir un prêt d’argent de ses parents pour lancer son magazine Dance Music Report. Trois ans plus tard, en parallèle à son activité de rédacteur en chef, il lance son propre label, Tommy Boy Records. Aidé d’acolytes auteurs, compositeurs et producteurs comme Fred Zarr, Jon Robbie et surtout Arthur Baker qui lui présentera Afrika Bambaataa. Ce dernier participera grandement au développement du label grâce à son fameux Planet Rock. Pour se rendre compte de la portée culturelle du label, il faut imaginer un monde où le hip hop et la musique électronique n’existe quasiment pas. Difficile à concevoir n’est-ce pas ? La particularité de Tommy Boy sera donc sa capacité à innover et fusionner différents styles musicaux. Le morceau Planet Rock et son sample de Kraftwerk est d’ailleurs un exemple parfait. Pour illustrer la variété des morceaux et univers que l’on peut retrouver au sein du label, dites-vous que l’on a d’un côté des Afrika Bambaataa, Method Man, Ghostface Killah, Naughty By Nature et autres De La Soul, de l’autre il y a Masters At Work, LFO, Paul Oakenfold, Coldcut et même Bob Sinclar !

David Jude Jolicoeur aka Trugoy (from left), Vincent Mason aka P.A. Mase and Kelvin Mercer aka Posdnuos pose for a portrait outside the Apollo Theater in Harlem in September 1993

David Jude Jolicoeur aka Trugoy (à gauche), Vincent Mason aka P.A. Mase et Kelvin Mercer aka Posdnuos posent devant le Apollo Theater à Harlem en septembre 1993.

Nous sommes en 1985, le label est à son zénith. Il resplendit tellement que la Warner lorgne fortement dessus et finit par sortir son chèque pour acquérir 50% de Tomme Boy. Dans la foulée, Tom Silverman prend la place de vice-président de la major jusqu’en 1992, année de l’affaire C. Delores Tucker. Pour rappel, cette politicienne américaine est connue pour sa prise de position contre le Gangsta Rap et toutes les paroles misogynes ou sexuellement explicites que le genre peut diffuser. Une sorte d’Eric Zemmour américaine en fait. Elle subira jusqu’à sa mort en 2005, les foudres verbales des Tupac, 50 Cent et autres Eminem. En cette année 1992 donc, elle s’offre des parts au sein de la major afin de pouvoir protester contre cette forme d’expression qu’elle ne comprenait et n’acceptait pas. Ni une ni deux, Tom Silverman réagit et rachète 50% du capital de Tommy Boy puis revend la totalité en 2002. Cette année-là, Tommy Boy Records devient Tommy Boy Entertainment LLC, se sépare de la Warner et son fondateur lancera dans la foulée Tommy Boy Films LLC, une firme de production télévisée. Après cette intro de mille lignes, laissez-moi vous présenter quelques-uns des nombreux et fameux artistes du légendaire label new-yorkais :

 

DE LA SOUL

 

C’est probablement l’un des plus grands, l’un des meilleurs groupes hip hop qui n’est jamais existé. Ce trio originaire de Long Island dans l’état de New York possède une discographie et une aura tellement riche qu’une simple chronique ne serait suffisante pour représenter leur impact dans la culture hip hop. De La Soul, c’est donc trois potes d’école qui amenèrent une incroyable fraîcheur dans le hip hop des années 90. Armés de samples léché, d’un flow énergique et de paroles positives voire humoristiques, ils implantèrent leur univers coloré loin du G-Funk ou Gangsta Rap. Neo-hippie, alternatif, éclectique, leur style fit débat dans le milieu mais avec du recul, tout le monde s’accorde désormais à dire qu’ils étaient décidément beaucoup trop chauds !
Démonstration avec leur premier album, 3 Feet High and Rising, sorti en 1989, encore considéré aujourd’hui comme un chef d’oeuvre du hip hop. Entièrement produit par Prince Paul, le producteur du mythique groupe Stetsasonic, c’est ce dernier qui les mit en contact avec Tommy Boy et qui a produit l’intégralité de cet opus.

 

 

MASTERS AT WORK

 

Dans la catégorie musiques électroniques, le duo qui suit n’est pas moins emblématique que De La Soul l’est dans le hip hop. Tout est dans le nom : Masters At Work. Originaires de New York, Kenny Gonzales et Louie Vega vécurent et participèrent directement à l’arrivée et la démocratisation de la musique house dans les clubs et les oreilles du monde. À l’origine, Vega était un DJ plutôt populaire dans le milieu noctambule new-yorkais. Né dans le Bronx et d’origine porto-ricaine, il fut très tôt bercé par les disques de musiques latines. Gonzales, quant à lui vient de Brooklyn, En 1990, il rencontre le producteur Gonzales par le biais du DJ Todd Terry à l’occasion de la production du chanteur Marc Anthony. Vega fit appel à Gonzales pour la conception de quelques beats. L’histoire est lancée. Connus également sous les alias KenLou, Sole Fusion et Nuyorican Soul, le duo mélange une multitude d’influence allant du hip hop, funk, disco jusqu’aux sonorités latines ou africaines sous une même bannière prônant l’avènement du groove. Pour mesurer le talent et la popularité du duo, rappelez-vous que le duo a notamment produit des remix pour Michael Jackson, Daft Punk, Björk, Donna Summer, Madonna ou Earth Wind & Fire. Visez-moi plutôt ce morceau tiré de « Our Time Is Coming » sorti en 2001 chez Tommy Boy :

 

 

NAUGHTY BY NATURE

 

Sans doute l’un des groupes hip hop les plus populaires des années 90, Naughty By Nature est ensuite tombé dans l’oubli avant de ressurgir dans un bel élan de nostalgie. Tout débute en 1988, à East Orange dans le New Jersey. Le trio composé de Treach, Vin Rock et DJ Kay Gee s’appelle alors The New Style. Ensemble ils sortent un premier album, c’est un échec. Échec relatif cela dit. Suite à cet opus, Queen Latifah les remarque, les prend sous son aile et les fait intégrer Tommy Boy quelques années plus tard. En 1991, le trio a lâché The New Style pour le pseudo Naughty By Nature et sort un album éponyme qui fera date dans le game hip hop de l’époque. O.P.P., le titre phare de l’opus contient un sample plus que reconnaissable de ABC, le tube des Jackson 5. Il atterrit à la 6ème place du classement Billboard de l’époque. Il est également repris dans Le Prince de Bel-Air, Ma Famille D’Abord ou Monk. Leur album suivant, 19 Naughty III, achèvera de faire d’eux un groupe mythique. Porté par le morceau « Hip Hop Hooray » dont le clip réalisé par Spike Lee est agrémenté des apparitions de Queen Latifah, Eazy-E, Run-D.M.C., et Da Youngstas. Classic shit indémodable, je vous propose de vous replonger au début des années 90 :

 

 

COOLIO

 

Devinette : Je suis l’ex-petit ami d’Afida Turner qui m’a traîné chez Ardisson en 2000, on m’a revu en guest dans Les Anges de la télé-réalité saison 2, en 2011, où je me suis retrouvé la bouche collée à celle de Monia, ex-gagnante de Popstars et un candidat de The Voice a repris l’un de mes plus grands tubes en mode beatbox. Je suis, je suis … ?
Originaire de Compton, il fait ses premières armes au sein du gang de Los Angeles, Baby Crips. Les premiers micros qu’il tiendra seront aux côtés du groupe WC and the Maad Circle avec qui il sortira deux albums en 1991 et 1995 sur lesquels on peut notamment retrouver Ice Cube et Jay Dee à la production. En parallèle, dès 1994, Coolio signe chez Tommy Boy et sort son premier album solo « It Takes a Thief » qui est rapidement certifié disque de platine. Mais c’est l’année 1995 qui verra arriver la consécration pour l’ancien gangsta de Compton. Gangsta’s Paradise, tout le monde connaît ce morceau qui finira sur la bande originale du film Esprits Rebelles et sur l’album du même nom qui sortira à la fin d’année 95. Suite à cet opus qui ramène lui aussi un disque de platine, Coolio enchaîne avec cinq albums qui ne se vendront pas. La popularité est passée du côté de la East Coast et du Puff Daddy tout puissant. Désespéré, il finit malheureusement dans les bras de notre Afida Turner nationale et dans la foutue télé-réalité qui va avec. Mais rassurez-vous, aux dernières nouvelles, il s’est reconverti comme cuistot dans « Cookin’ with Coolio« , une émission culinaire retransmise sur le web. C’est un tel succès qu’il en a fait un livre de recette. Pas bête le Coolio…

 

 

HOUSE OF PAIN

 

Los Angeles est un véritable vivier en matière de pointures du monde hip hop. Ici je fais référence à un groupe composé de deux MCs originaire irlandaise : Danny Boy et Everlast accompagnés par DJ Lethal qui est d’origine lettonne. Les trois loubards forment House Of Pain et opèrent ensemble depuis leur signature chez Tommy Boy en 1991. Avant de se lancer ensemble, Everlast avait connu un petit succès sur la scène underground avec son premier album solo, Forever Everlasting en 1990. Le 21 juillet 1991, Tommy Boy balance à la face du monde le premier album de House Of Pain avec leur morceau culte « Jump Around » produit par DJ Muggs. Multi-disque de platine, le groupe n’est alors jamais aussi populaire. Après deux autres albums en 94 et 96 qui connaissent un moindre succès que le premier, Everlast décide de quitter le groupe et celui-ci se retrouve alors dissout. Danny Boy lancera alors une compagnie de direction artistique. DJ Lethal rejoindra l’équipe de metalleux de Limp Biskit. Everlast quant à lui continuera une carrière solo et sortira en 1998 son album « Whitey Ford Sings The Blues » qui, entre blues, rock et hip hop connaîtra un beau succès. Deux ans plus tard, il récidivera avec brio avec « Eat’s A Whitey » sur lequel on peut retrouver Santana, B-Real et The Alchimist. En 2005, les trois barlous se retrouvent autour du projet monté par Danny Boy, La Coka Nostra. House of pain fait aussi partie du collectif mené par B-Real de Cypress Hill, Soul Assassin aux côtés de Dilated Peoples, Xzibit, GZA, RZA, The Alchimist…
« Bref, finalement, House Of Pain c’est un rap de buveurs de bière tatoués à grande gueule, qui n’apprécient rien tant que se murger, faire la bringue et éventuellement distribuer quelques bourre-pifs. » Il parait d’ailleurs qu’ils se sont reformés histoire de vider quelques pintes de Guinness à l’occasion de la St Patrick à Boston en mars dernier.

 

 

QUEEN LATIFAH

 

Originaire de Newark dans le New Jersey, Queen Latifah est considérée comme l’une des pionnières en matière de hip hop féminin. Issue d’une famille de policiers, cet environnement particulier influencera fortement ses textes et son engagement artistique. Pour la petite histoire, c’est l’un de ces cousins qui, à l’âge de 8 ans lui donne le surnom de Latifah, qui signifie Délicate en langue arabe. Aux débuts des années elle débute en faisant du beatbox dans le groupe Ladies Fresh, groupe qu’elle monta avec ses amies Tangy B et Landy D, avant de se faire remarquer par Fab Five Freddy. De fil en aiguille, elle signera en solo chez Tommy Boy, sortira tout d’abord le single « Wrath of My Madness » en 1988 avant d’enchainer avec son premier album « All Hail the Queen » en 1989. Elle débarque alors comme une tornade dans l’univers hip hop toujours resté un peu machiste. Porté par les singles Ladies First et Princess of the Posse, son style entre hip hop, reggae et soul conquit très vite un large public. Elle écoule alors plus d’un million exemplaire de cet album. En 1991, la diva lance son propre label, Flavor Unit Records, et revient avec un second opus, Nature of a Sista’, mais c’est véritablement son troisième album, Black Reign qui achèvera de la mettre sur un piédestal. Elle obtiendra même un Grammy Award pour le titre U.N.I.T.Y. ! Quasi-simultanément, Latifah se lance dans une carrière cinématographique avec un petit rôle dans le film Jungle Fever de Spike Lee. On la retrouvera ensuite sur Juice, le film de Dickerson mettant en scène Tupac Shakur mais aussi dans le Prince de Bel-Air et dans des films allant de la science-fiction au drame. En 2002, c’est la consécration avec la comédie musicale Chicago dans laquelle elle danse, chante et joue à merveille aux côtés de Catherine Zeta-Jones et Renée Zellweger. En 2014, on a pu retrouver Latifah en train de chanter l’hymne américain à l’occasion de la finale du Superbowl.

 

 

Voilà pour Tommy Boy, j’ai été long mais pourtant si concis devant l’histoire, le panel d’artistes et le catalogue de releases du label. J’aurais pu aussi vous parler longuement de Prince Paul, Stetsasonic, Afrika Bambaataa, The Soulsonic Force, Deltron 3030 et bien d’autres encore… Big up Tommy Boy !

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