Label découvert il y a peu de temps par le biais de Nicola Cruz et La Yegros, ZZK Records fait partie de ceux qui, au même titre que Black Acre, sont en train de redéfinir les codes musicaux tels qu’on les connaît actuellement.

Dans ce dossier, nous allons voir comment cette vibe s’est créée et comment les artistes issus du label jouent avec les codes traditionnels pour en faire une musique très actuelle.

C’est en 2008, que ZZK Records voit le jour à Buenos Aires grâce à 3 généreux bonhommes : Grant C. Dull (expatrié américain surnommé El G), Guillermo Canale et Diego Bulacio. Aujourd’hui basé à Palermo en banlieue de la capitale argentine, le label est considéré comme l’une des principales rampes de lancement d’artistes venant de la scène située entre « Global Bass » et « Digital Cumbia ».
D’où vient le nom de « ZZK » ? Il s’agit d’une simple contraction de Zizek, qui était le nom des soirées underground que les créateurs du label organisaient dans la capitale argentine. Mais d’où vient « Zizek » du coup ? Grant Dull racontera dans une interview qu’il a choisi ce nom en référence au philosophe slovène du même patronyme. Ce dernier représentait alors pour lui un mix entre pop culture et les travaux du penseur français Jacques Lacan.
En 2004, à son arrivée de son Texas natal au pays de la pampa, El G écrivait pour un webzine culturel local nommé « What’s Up Buenos Aires« . Destiné à mettre en avant toute la richesse de culture argentine (restaurant, musique, arts…), c’est de ce site que naîtront les premières soirées Zizek et c’est ainsi que Grant Dull rencontrera toutes les personnes qui font désormais parties du label. La 1ère soirée eu lieu en 2006 au Niceto Club à San Telmo, l’un des plus vieux quartiers de Buenos Aires. Le succès est au rendez-vous, le public plébiscite cette musique mélangeant électronique, cumbia, hip hop, dancehall et dub. Deux ans plus tard, conscient de cette ferveur grandissante, le crew sort alors une première compilation réunissant 16 artistes. ZZK Records est né.

Aujourd’hui, ZZK Records a clairement placé Buenos Aires sur la carte musicale du monde en apportant quelque chose d’innovant et d’incroyablement frais. En guise d’illustration, voici quelques-uns des artistes qu’il faut connaître.

ZZK-Records

Nicola Cruz

Né à Limoges (ouais Limoges…) de parents équatoriens, il a grandi bercé entre sonorités traditionnelles et innovations technologiques dans la musique. Petit protégé de Nicolas Jaar, il collaborera avec lui et son défunt label Clown & Sunset en 2012. La même année, il rejoint la team ZZK Records. En 2015, il sort un premier single, Colibria, que l’on retrouvera sur son album magique « Prender El Alma« . Entre ambiances ancestrales et andines, Nicola Cruz invoque de jolis sonorités électroniques et transforme le tout en une folktronica jouissive et pleine de groove !
Aujourd’hui, salles, tourneurs et médias Les Inrocks, Boiler Room, Fip, Tsugi et même ma chère Radio Prun’ lui font les yeux doux. Et il y a de quoi, voici un extrait de son dernier album « La Cosecha » :

 

Chancha Via Circuito

De son vrai nom Pedro Canale, Chancha Via Circuito tire son inspiration de la cumbia des trains argentins. Étrange influence non ? Voici son explication : les gens de la province de Buenos Aires appellent le train qui relie la capitale au sud de l’agglomération « Chancha via Circuito ». La « Chancha » (truie, en espagnol) est le nom qu’ils donnaient à l’ancienne locomotive Fiat, qui était grosse comme un cochon. Et « Via Circuito » est celui de la ligne de chemin de fer. Il effectuait quotidiennement ce trajet en train à l’époque où il étudiait la musique électroacoustique dans la banlieue de Bernal. C’est donc l’ambiance du train qui l’a beaucoup inspiré, avec ses vendeurs ambulants et la cumbia à plein volume dans les wagons.
Il débute la production musicale en 2000 sous le nom de « Universildo ». Il fera ensuite partie des premiers artistes invités à jouer aux soirées Zizek de Buenos Aires et poursuit depuis l’aventure avec le label. Éclectique mais cohérente, la musique de Chancha via Circuito fusionne aussi bien des harpes paraguayennes que des rythmes brésiliens avec de l’électronica tout en conservant du folklore sud-américains. Voici un extrait de son travail, « Sueno en Paraguay« , issu de son second album « Rio Arriba« , sorti le 1er avril 2011 :

 

El Búho & Barrio Lindo

Internet. Internet est magique. Surtout quand Internet rassemble différentes personnes dans le but de créer un projet commun. C’est l’histoire de Barrio Lindo aka Agustin Rivaldo, un argentin de la banlieue sud de Buenos Aires et d’El Buho aka Robin Perkins, un anglais vivant à Amsterdam. Ces 2 types ne se sont jamais rencontrés en vrai. Mais par le biais d’Internet, ils ont réussi à pondre l’un des plus beaux projets de ZZK Records : l’EP « History of Colour« , sorti le 8 décembre 2014. Tel un point de rencontre entre 2 cultures radicalement différentes, cet EP est d’une beauté pure.
D’un côté, El Buho est animateur d’une émission du nom de « Rhythm and Roots » sur la radio Groovalizacion à Amsterdam consacrée à la découverte et mise en avant des rythmes et sonorités du monde entier. Il a vécu un an à Buenos Aires, il est allé lui aussi aux soirées Zizek et a sué aux côtés de Barrio Lindo sans le savoir. De l’autre, Barrio Lindo a étudié l’histoire de la musique, il est du genre à construire ses propres instruments à la main et est également un beatmaker qui a collaboré avec Chancha via Circuito que j’évoquais précédemment.
Sans plus attendre, découvrez le résultat de la rencontre (virtuelle) de ces deux gars avec le titre éponyme de leur magnifique EP, « History of Colours » :

 

La Yegros

De son vrai nom Mariana Yegros, c’est la reine du label et celle qui a probablement le plus contribué à l’exposition médiatique de ZZK Records ces derniers temps. Elle naît à Moron, un quartier de la banlieue de Buenos Aires. Très jeune, elle entame des études musicales au conservatoire de son quartier. En 1998, elle participe à un casting pour un spectacle de De La Guardia, troupe de théâtre d’avant-garde, dans le sillage des Catalans de la Fura del Baus, qui révolutionne la scène argentine dans les années 80. Elle sera alors retenue pour jouer plusieurs concerts avec la troupe devant des dizaines de milliers de personnes. Suite à cette expérience, elle se met à suivre son mari, King Coya, membre du label ZZK Records, distillant sa musique autour du monde, de New-York à Los Angeles jusqu’à Barcelone. Là-bas, elle tente de monter un groupe d’électro-ethnique. C’est un échec. De retour à Buenos Aires, elle tombe sur « Dick el demasiado« , un bricoleur fou qui opère les premières fusions entre la musique paysanne de Colombie et l’électronique. Il lui proposera alors de chanter sur scène lors d’une de ses représentations. Le goût de la scène lui revient, elle reprendra le micro en main lors de plusieurs soirées Zizek et sortira un premier EP « Viene de Mi » le 15 janvier 2013 qui contient son titre phare, avant d’enchaîner avec l’album qui sortira la même année. En 2016, elle revient avec un nouvel album (chez Soundway Records) dont un extrait est déjà disponible ici. En attendant son retour, (re)découvrez un extrait de son précédent opus :

 

Frikstailers

Ce duo composé de Rafa Caivano et Lisandro Sona fait partie des ovnis du label. Au-delà du folklore et des traditions, c’est avant tout de l’énergie à l’état pur que dégage Frikstailers. Artistes inclassables, vagabondant entre dancehall, hip hop, cumbia, dub, house, kuduro, electro et techno, ils s’auto-proclament « Indiscutables empereurs galactiques du Tropical Futurism« . Ce duo masqué et bariolé fait partie de l’aventure ZZK Records depuis l’EP « Bicho de Luz » sorti le 1er octobre 2010. Trois autres EP suivront, dont l’excellent « Crop Circles » sorti le 23 juin 2014. Récemment, on a pu également les retrouver sur les labels DFA Records, Mad Decent ainsi que sur le volume 2 des compilations de Modeselektor. Sur scène, le duo Frikstailers se la joue schizophrène, s’amuse de la non-linéarité de ses mélodies et use avec talent de basses fluorescentes et psychédéliques. Originaires de Buenos Aires, ils vivent désormais à Mexico, point d’ancrage de leurs futurs projets. Découvrez l’univers de Frikstailers avec le morceau « Venus » issu de leur fameux EP « Crop Circles » :

 

Fauna

Je ne pouvais pas finir cette chronique sans parler de Fauna. À la frontière du hip hop, de la cumbia et de l’electro, ce duo argentin originaire de Mendoza fait partie des pionniers à avoir oser toucher et mixer la cumbia. Au début des années 2000, en Argentine, ce style musical avait une connotation sociale négative comparé à la musique électronique qui était synonyme de raffinement. En d’autres termes, les personnes riches trouvaient la cumbia vide de sens, et il était socialement mieux vu de danser sur de la musique électronique. Dans un désir de réunification à la Koh-Lanta, Fauna a donc décidé de fusionner les deux.
Duo composé de Color Kit (Christian del Negro) et Catar_sys (Federico Rodríguez, décédé en novembre 2010 à Belo Horizonte), ils deviennent rapidement les coqueluches de Buenos Aires by night par le biais des soirées Zizek (encore et toujours). Jusqu’au décès de Catar_sys, le duo avait l’habitude de donner des centaines de concerts par an dans des dizaines de pays et prestigieux festivals comme le Roskilde ou le Sfinks Festival. Faites-vous une idée de l’univers du duo avec le morceau « Para Mi » issu de leur album « Manshines » sorti le 25 novembre 2011 chez ZZK Records :

 


 

 

Dans la veine de certaines sorties du label Black Acre qui remettait des sonorités africaines au goût du jour, ici c’est l’Amérique du Sud qui est célébrée. Et ce, pour notre plus grand plaisir. Hormis le fait qu’il vienne d’un pays plus réputé pour sa pampa et ses dernières crises économiques, ce qui est extrêmement intéressant chez ZZK Records c’est cette incroyable fusion entre sonorités traditionnelles et musiques actuelles. Ainsi, il permet ainsi à toute une culture et scène oubliée du monde de renaître, de se renouveler et d’acquérir le succès qui lui est dûe. En espérant avoir aguicher votre curiosité pour vous pencher sur d’autres excellents représentants du label comme El Remolon, Tremor, King Coya ou Super Guachin. Pour aller plus loin encore, je vous conseiller d’aller checker le documentaire réalisé par le label sur la naissance du mouvement Digital Cumbia :

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